Que vous connaissiez bien la culture japonaise ou non, je suis sûre que si je vous dis « Japon », des dizaines de clichés sur les Japonais vous viennent en tête. Mais sont-ils vraiment fondés ? Est-ce que le Japon est vraiment similaire à l’image que l’on s’en fait habituellement ?
Pour ce premier article du carnaval que j’organise entre blogueurs, je vais passer au peigne fin les 5 idées reçues les plus fréquentes quand on parle du Pays du Soleil Levant.
Je vous préviens : vous risquez d’être surpris ! 🤭
1) Les Japonais sont tous serviables, polis, respectueux et font sans cesse des courbettes
C’est probablement le premier cliché sur les Japonais qui nous vient tous en tête : qu’est-ce qu’ils sont polis ! Et c’est vrai… mais pas en toutes circonstances !
Ayant vécu près de 2 ans au Japon, je suis obligée de reconnaître que la politesse et la sympathie des Japonais est plus qu’agréable. Le respect des autres s’inscrit au cœur des valeurs de ce peuple, et cela impressionne quiconque met les pieds sur le territoire nippon.
Terminé les insultes dans la rue. Vous ne risquez pas de vous faire racketter, ni de subir une agression en marchant seul(e) la nuit. Mais comme dans n’importe quel pays, il existe aussi des personnes malintentionnées au Japon, et la délinquance y est bien réelle. Elle est juste plus rare que chez nous. Une de mes amies s’est fait voler son portefeuille lors d’un concert à Tokyo, mais c’est le seul incident que je déplore dans mon entourage depuis toutes ces années.
Alors oui, en passant 2 semaines là-bas en tant que touriste, vous trouverez que les Japonais sont tous serviables et se plient en quatre presque littéralement pour vous aider. Mais lorsque l’on s’y installe pour plus longtemps, on constate que derrière une façade soignée se cache parfois une sorte d’hypocrisie. En japonais, on appelle ça le 建前 (tatemae) ; ce terme signifie littéralement « construit devant » et désigne l’attitude qu’adopte une personne en public, le comportement attendu par la société.
Et on peut parfois apercevoir l’envers du décor, notamment dans les supermarchés. J’ai été très choquée de voir que lorsqu’ils font leurs courses, les Japonais oublient tout sens de respect mutuel et de bien-vivre-ensemble. Je n’ai jamais connu de personnes aussi agressives avec des caddies que là-bas ! Et après en avoir discuté avec des amis japonais, il semble que ce soit une généralité, et non pas une situation isolée propre au magasin dans lequel j’allais faire mes courses quotidiennement pendant 6 mois à Kyoto.
Pour résumer : il est clair que les Japonais sont de loin les personnes les plus polies et serviables que j’ai jamais connues. Mais comme le reste de l’Humanité, ils sont perfectibles et peuvent aussi adopter des comportements moins respectueux selon les circonstances.
2) Les Japonais travaillent beaucoup (jusqu’à se tuer)
Si le Japon a inventé un mot pour désigner la mort due à un excès de travail, ce n’est pas pour rien. Le terme 過労死 (karôshi) s’emploie en effet lorsque quelqu’un est victime de surmenage sur son lieu de travail, et qu’il finit par en mourir. En 2017, ce sont 190 personnes qui sont mortes suite à un excès de travail.
Mais rassurez-vous, ce phénomène ne concerne pas la totalité des Japonais. D’ailleurs, selon une étude datant de 2013, le Japon ne serait que le 11ème pays à travailler le plus au monde, bien loin derrière le Mexique et la Corée du Sud.
Il est vrai que l’implication dans son travail, la dévotion à son entreprise et à son pays sont des valeurs
fondamentales de la société japonaise. Mais il faut également savoir que bien souvent, les employés restent tard à leurs bureaux uniquement par convention sociale. Il est coutume de ne pas quitter son poste avant que son supérieur hiérarchique ne soit parti. Donc si votre boss a décidé de rester jusqu’à 23h pour boucler un dossier, vous n’êtes pas couché… !
En pratique, ces coutumes restent vraies jusqu’à une certaine limite. Les nouvelles générations n’ont plus envie de vouer leur vie à une seule et même entreprise, et les femmes ont un désir d’émancipation auquel leurs mères et grand-mères ne pouvait rêver. A n’en pas douter, nous assisterons dans les prochaines décennies à un changement des Japonais par rapport au monde du travail.
Pour un témoignage réel et poignant de cet univers nippon si particulier, je vous encourage fortement à lire l’excellent « Stupeur et tremblements » d’Amélie Nothomb, écrivaine belge ayant travaillé au Japon.
3) Les Japonais ne mangent que du poisson cru et des sushi
Dans l’imaginaire collectif, on visualise toujours les Japonais se nourrir exclusivement de sushi et de poisson cru. Certes, cela fait partie intégrante de la culture culinaire du pays, mais si les Japonais ne mangeaient que ça, cela fait bien longtemps qu’ils seraient tous morts de carence, vous ne croyez pas ? 😅
Ce cliché sur les Japonais est clairement fondé sur l’exportation des sushi à l’étranger ; quand on mange japonais en Occident, c’est quasiment toujours des sushi ou sashimi. Or il n’en est rien là-bas.
Si vous vous baladez dans les rues japonaises, vous croiserez très peu de restaurants de sushi. En effet, c’est un plat plus cher que les autres, donc les Nippons n’en consomment pas beaucoup. Au contraire, la viande est souvent moins chère et donc plus répandue si l’on fait exception du bœuf de Kôbé bien sûr.
Grâce au Bouddhisme implanté depuis des siècles sur l’archipel, il existe également une cuisine végétalienne très raffinée et typiquement japonaise appelée 精進料理 (shôjin ryôri), c’est-à-dire « la cuisine de la dévotion ». Je vous conseille d’essayer si vous avez la chance de visiter ce beau pays un jour, c’est délicieux et tellement subtil, un régal !
D’ailleurs, sachez que les vrais restaurants de sushi ne proposent aucun autre plat. C’est une aberration de trouver des râmen, des udon et des sushi dans le même établissement 😱
4) Les Japonais sont nuls en anglais et n’aiment pas les étrangers
Dans toutes les grandes villes japonaises, vous trouverez toujours quelqu’un qui parle
anglais et qui pourra vous aider. Mais tout comme en France, la majorité des gens ne maîtrise aucune autre langue étrangère. Le fait que les Français et les Japonais soient deux peuples réputés pour leur niveau médiocre en langues étrangères ne sort pas de n’importe où ; on constate que la méthode d’enseignement des langues vivantes dans le cursus scolaire de nos deux pays n’est pas efficace.
Lors de mon premier voyage au Japon, j’ai eu la chance d’assister à des cours dans une école primaire, un collège et un lycée japonais. Pendant ma journée au lycée, j’ai atterri dans un cours d’anglais. Et je peux vous dire que ce que j’ai vu là-bas m’a énormément surprise.
Le professeur lisait une phrase à voix haute en anglais, et tous les élèves répétaient après lui. Puis une deuxième phrase, répétition générale. Et ainsi de suite pendant près d’une heure. Les lycéens ne comprenaient pas spécialement ce qu’ils disaient, mais ils pensaient que c’était la seule manière d’apprendre une langue étrangère.
En jetant un coup d’œil à leurs manuels scolaires, j’ai été encore plus choquée de constater que toutes les phrases anglaises étaient retranscrites en katakana (alphabet phonétique japonais). Ce qui fait que leurs yeux se concentrent uniquement sur leur propre alphabet, et font abstraction de l’écriture étrangère.
Il est clairement impossible d’apprendre à parler correctement une langue si on ne comprend pas ce qu’on répète, et sans se plonger pleinement dans le langage étudié. J’ai ainsi compris pourquoi les Japonais sont incapables d’aligner deux phrases en anglais et je me suis dit que si je voulais communiquer avec eux, je serais obligée d’apprendre le japonais !
Il faut également savoir que le Japon était fermé à l’Occident jusqu’en 1853. Les Japonais n’avaient donc pas l’habitude d’être en contact avec des étrangers, et nos visages blancs, noirs, blonds ou roux leurs étaient alors parfaitement inconnus (en dehors de quelques commerçants et diplomates).
Il est normal de retrouver encore à l’heure actuelle une certaine réserve des Japonais vis-à-vis des étrangers. Cela ne signifie pas qu’ils sont racistes, mais plutôt réservés et timides. De plus, les Japonais sont très fiers de leur culture et tiennent à ce qu’elle ne soit pas noyée par l’Occident. Ce nationalisme est parfois interprété comme un rejet de l’étranger, mais ce n’est pas toujours le cas.
Pour creuser le sujet, je vous recommande cet article traitant du 外人コンプレックス (Gaijin Complexe), expression qui désigne le sentiment d’inconfort que peut ressentir un Japonais vis-à-vis d’un étranger.
Encore une fois, ne faisons pas de généralités. Je connais aussi des Japonais qui parlent très bien anglais ou français, et qui adorent les étrangers. On remarquera d’ailleurs que le fait qu’ils parlent des langues étrangères est toujours lié à leur intérêt pour les autres pays… !
5) Les Geisha sont des prostituées de luxe
Je tenais absolument à parler de cette idée reçue fondée sur la méconnaissance de la tradition des geisha. L’année dernière, j’ai eu le privilège de rencontrer l’une des rares geisha de Kyoto encore en activité, et je peux vous dire que je n’ai jamais vu de personne aussi gracieuse et sublime.
Les geisha sont avant tout des artistes. Dès leur enfance, elles suivent une formation stricte et exigeante en apprenant différentes pratiques artistiques telles que la danse, le chant, l’art de la conversation et de nombreux instruments de musique traditionnels. Le mot 芸者 (geisha) signifie d’ailleurs « personne d’art ».
Ce sont des artistes professionnelles profondément respectées par les Japonais. Elles incarnent la beauté et le raffinement de la culture nippone.
Le mythe tenace de la geisha prostituée est sans doute véhiculé par les fantasmes mis en scène dans les différentes œuvres cinématographiques ou littéraires. Mais réfléchissons deux secondes : avec une telle couche de vêtements, un maquillage impeccable et une coiffure aussi sophistiquée, vous pensez réellement qu’une geisha pourrait se déshabiller aussi rapidement pour enchaîner les clients ? 😉
Si vous voulez en apprendre plus sur les geisha, allez lire cet article très complet sur le site de Japanization.
La liste des clichés sur les Japonais est encore longue, mais pour cet article j’ai voulu me concentrer sur les plus récurrents et ancrés dans l’imaginaire collectif. Les stéréotypes, quels qu’ils soient, ont tous une part de vérité sinon ils n’existeraient pas. Mais la réalité est toujours beaucoup plus subtile, et à travers cet article j’espère avoir pu apporter quelques nuances à l’image que vous avez du Japon.
Si vous souhaitez découvrir la vérité sur d’autres pays étrangers, je vous invite à aller lire les articles écrits par les autres participants de mon carnaval d’articles du mois de mai.
De belles découvertes culturelles en perspective ! 😀
Liste des autres blogs participants au carnaval :
– Lucie au pays des lutins (Suède)
– AlMoradis (apprendre l’arabe autrement)
– La Tribu des Pieds Nus (Malaisie)
Crédits illustrations : いらすとや
6 commentaires
Charlotte
Tout est dit !
J’aimerai juste dire, en rapport avec le premier paragraphe qui parle de la politesse au Japon, ce qui me choque le plus ici : leur comportement dans les transports en commun.
En France, la plupart du temps, lorsque qu’une personne âgée ou en situation de handicap monte dans un bus ou un métro, il y a toujours une âme charitable pour lui céder sa place. Ici, il n’en est rien. J’en ai été témoin plusieurs fois mais récemment, j’ai été particulièrement marqué par un petit papi avec deux béquilles et des prothèses aux genoux. Il est monté dans le métro à Osaka. Des jeunes et des moins jeunes, assis à 20cm de lui, n’ont pas sourcillé.
Pour un pays effectivement réputé pour sa sociabilité et sa culture du respect (et ça se confirme tous les jours), je trouve cet aspect assez choquant.
Mathilde - Lucie au pays des lutins
Super article ! Bravo !
Incroyable ce coup du caddie ! Il y a décidément beaucoup de similitudes entre la Suède et la Japon pour ce qui est des règles de savoir-vivre (pour le reste, c’est tout le contraire :-D)
Alex
Super article Sophie !
Moi qui ne connait pas spécialement la culture japonaise, je suis toujours étonné de voir les nombreuses similarités entre Japon et Chine.
Par exemple tu mentionnes le terme Le terme 過労死 pour les japonais qui se tuent en travaillant. C’est marrant parce que en chinois il y aussi le terme 过劳死 (gùo láo sǐ) qui désignent quelqu’un de « occupé à en mourir » xD
Article très intéressant 😉
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