Tokyo est une ville chaotique. Ceux qui l’ont déjà visitée savent ce que je veux dire par là. Des bâtiments en béton dignes des plus belles années de l’URSS côtoient des temples en bois bordés de bosquets, des boutiques aux vitrines futuristes s’alignent sur de longues avenues massives et ordonnées alors que quelques rues plus loin, des passages minuscules révèlent une profusion de fils électriques et d’escaliers en métal rouillé.
Ici tout se construit et se détruit rapidement. Et c’est sans doute aussi ce qui fait le charme inimitable de la capitale japonaise. Mais son modèle de développement urbain est-il approprié aux problématiques du monde d’aujourd’hui ?
Aujourd’hui, on retrace l’histoire de Tokyo et on se pose des questions sur le futur de l’une des plus grosses mégalopoles du monde.
L’histoire de Tokyo
La fondation de Tokyo
Tokyo n’a pas toujours été la capitale du Japon. Au XVe siècle, ce simple village de pêcheurs, nommé Edo, devient le fief d’un petit seigneur local, séduit par sa baie et ses ressources avantageuses.
Ce n’est qu’en 1590 que le seigneur Ieyasu Tokugawa, premier shogun du Japon, édifie sa forteresse à Edo. Il entreprend alors de transformer la région en zone stratégique et y installe ses alliés. Tokyo attire des habitants de plus en plus nombreux, et les infrastructures locales se développent en conséquence : réseau routier, ponts, système de canaux, etc.
Le développement de la cité est fulgurant, et au début du XVIIIe siècle on considère déjà Tokyo comme la plus grande ville du monde.
Sous l’ère Meiji, après une désertion temporaire de la cité liée à la fin de l’isolationnisme du Japon, Edo est rebaptisée Tokyo et prospère. Le quartier des affaires s’y développe ainsi que de nombreux bâtiments de style occidental, français ou anglais. C’est à ce moment-là que le paysage urbain de Tokyo devient plus hétérogène, mixant formes anciennes et nouvelles, asiatiques et occidentales.
Au XIXe siècle, la capitale fait déjà face à des problèmes de densité élevée et de congestion du trafic. On aménage alors l’espace public en insérant divers « points de respiration » : avenues, parcs, jardins et divers ouvrages d’art, mais tout cela reste bien léger face à un développement galopant.
Le grand séisme du Kanto de 1923 est un tournant pour la ville. Celle-ci est la proie de multiples incendies, rapidement propagés et qui dureront plusieurs jours. Plus de 105 000 personnes décèderont ou seront portées disparues, de nombreuses maisons seront détruites. Les zones moins denses des parcs de Shiba, Hibiya ou Ueno ayant contribué à empêcher les incendies, d’autres parcs seront aménagés lors de la reconstruction de la ville.
En 1945, suite à sa période expansionniste en Asie, le Japon subit l’offensive américaine et un bombardement massif de Tokyo. Un tiers de la ville est alors détruit.
La reconstruction d’après-guerre
À la fin de la guerre, les Japonais doivent donc à nouveau reconstruire leur capitale. Pourtant, comme lors du séisme du Kanto, aucun plan d’ensemble ne se dessine. On se contente de reconstruitre la ville “comme avant”. Mais l’on remplace tout de même les matériaux à risque comme le bois ou la brique par du béton.
À l’époque, les grandes villes japonaises sont construites « horizontalement ». C’est à dire que l’on préfère construire de nombreuses maisons ou appartements de peu d’étages, serrés les uns contre les autres sur de grandes surfaces, plutôt que des bâtiments plus hauts sur une zone plus resserrée. Les habitants se retrouvent donc à parcourir des distances de plus en plus longues pour rejoindre leur lieu de travail ou n’importe quel point vital de la ville : hôpital, magasins, etc. L’extension progressive de la ville implique la création d’un véritable labyrinthe de transports en commun et l’utilisation de la voiture par un grand nombre d’habitants.
Si l’urbanisme de Tokyo vous intéresse et que vous voudriez connaitre son hsitoire plus en détail, je vous conseille cet article en français sur le sujet.
Quel futur pour Tokyo ?
Covid-19, changement climatique, tremblements de terre et vieillissement de la population
De multiples challenges attendent Tokyo aujourd’hui. La capitale, plus peuplée que jamais redoute le « Big one », un séisme géant (magnitude 7 à 9) qui devrait frapper Tokyo d’ici 2040. Cette catastrophe causerait sans doute de nombreuses morts et des dommages suffisamment importants pour paralyser les transports et l’économie du pays.
Autre crainte, celle du réchauffement climatique. Chaque été à Tokyo sont enregistrées des températures de plus en plus inquiétantes, allant jusqu’à 40/41 degrés Celsius. Beaucoup pointent du doigt la politique catastrophique de gestion de la climatisation des boutiques et centres commerciaux de la capitale. Ceux-ci laissent en effet leurs portes d’entrée grandes ouvertes, déversant dans la rue d’énormes quantités d’air froid, mais rejetant du même coup autant d’air brûlant dans les petites allées et rendant l’atmosphère irrespirable.
Le vieillissement de la population japonaise est également une inquiétude. Les personnes âgées de plus de 65 ans représentent presque 30 % de la population japonaise, un chiffre qui met à rude épreuve les systèmes de sécurité sociale et de soins médicaux et questionne aussi les stratégies d’aménagement urbain. La ville doit d’urgence adapter ses logements, ses transports et ses infrastructures publiques.
Enfin, si la pandémie de COVID-19 a provoqué la remise en question de différents modèles économiques, de travail et de mode de vie à travers le monde (télétravail, départs pour la campagne, etc), le Japon rechigne toujours à implémenter de vrais changements durables dans son développement urbain pour accompagner ces transformations.
Les cités verticales, un projet sur le long terme
Différents acteurs ont leur mot à dire sur le futur de Tokyo. Parmi eux, l’entreprise Mori Building Co., Ltd a déjà commencé à remodeler le paysage tokyoïte depuis de nombreuses années.
Leur objectif ? Créer petit à petit des “Vertical Garden City”, petites “villes dans la ville” tentant de répondre aux problématiques écologiques et pratiques.
Sur le modèle de ce qui se fait à Singapour, ces cités-jardins regrouperaient au même endroit d’immenses tours abritant logements, services, loisirs et travail, limitant les déplacements inutiles pour ses habitants. Autre intérêt de ces quartiers : libérer 80 à 90% de la surface au sol pour y installer des espaces verts capables de réduire la chaleur et d’améliorer la qualité de vie des habitants. D’autres espaces de loisirs pourraient aussi être construits en sous-sol.
Vous êtes curieux de voir à quoi cela pourrait ressembler ? Il vous suffit de vous rendre à Roppongi Hills, dans le quartier de la Mori Tower, qui est déjà construit sur ce modèle. Pour continuer sur sa lancée, la compagnie Mori Building Co., Ltd souhaite petit à petit racheter et transformer d’autres terrains de l’arrondissement de Minato pour les transformer en « Cités jardins ». Ses deux gros projets actuels sont ceux d’Azabudai Hills et de Toranomon Hills.
Si vous voulez visiter Tokyo, je vous conseille donc de garder l’esprit ouvert et de visiter un maximum de quartiers afin de mieux cerner l’ambiance générale de la mégalopole. Pour ce faire vous pouvez notamment consulter notre article sur les quartiers de Tokyo.