Je vous mets au défi de vous rendre en voyage au Japon et de ne rien y acheter ! L’archipel pousse à la consommation même les plus raisonnables d’entre nous. J’en ai eu la preuve à de multiples reprises avec des amis que je ne pensais pas du tout accro au shopping et qui sont pourtant revenus en France, valises pleines : nourriture, tissus, objets d’art, pop culture… chaque ville possède sa mascotte et ses produits dérivés “mignons” et/ou sa spécialité culinaire. Dur de résister 😉
Et bien sûr, impossible de parler de shopping au Japon sans parler des shôtengai.
« Shôtengai » (商店街) qui se traduit par « rue commerçante » en français, fait référence aux marchés couverts traditionnels, aux ruelles et allées excentriques, souvent situés dans les quartiers résidentiels ou près des gares.
Dans cet article, je reviens sur l’origine des shôtengai au Japon et je vous donne les adresses des plus réputés d’entre eux à Tôkyô, Kyôto, Ôsaka, Fukuoka et d’autres villes du pays.
L’origine des shôtengai au Japon
Au Moyen-Âge, il existait au Japon un système de guildes commerciales qui possédaient des droits exclusifs commerciaux très avantageux (voire le monopole des échanges). Afin de les contrer et d’encourager l’émergence de nouveaux marchands et d’artisans, les seigneurs féodaux ont autorisé la création de marchés spéciaux nommés “rakuichi-rakuza” (楽市楽座), des “marchés libres”, qui permettaient les échanges sans contraintes.
Au fil du temps, ces marchés se sont transformés en longues rues, parfois couvertes, bordées de petits commerçants indépendants et marquées d’une arche à chaque extrémité.
Il serait réducteur de limiter le rôle des shôtengai au commerce. Ces rassemblements de marchands jouaient en effet un rôle important au sein de leurs communautés en organisant des évènements et en assurant la cohésion de la ville. Une visite au shôtengai local était (et est toujours) pour de nombreux Japonais une expérience beaucoup plus personnelle qu’une simple excursion au supermarché.
Les magasins que l’on trouve dans un shôtengai typique sont les suivants : pan’ya (boulangerie), ochaya (salon de thé), kissaten (café traditionnel), sakaya (magasin de saké), washokudô (restaurants de nourriture japonaise), tokoya (barbier), nikuya (bouchers), sakanaya (poissonnier), yaoya (primeur), et bien d’autres encore. Bien que les shôtengai traditionnels soient en déclin depuis la Seconde Guerre mondiale, on estime qu’il en existe encore environ 15 000 au Japon.
Les shôtengai de Tôkyô
- Togoshi Ginza : Togoshi Ginza revient toujours en première place des “tops” des shôtengai japonais. Près de la station Togoshi dans l’arrondissement de Shinagawa, elle est souvent mise en avant dans des émissions japonaises gastronomiques. Ils y vendent notamment des onigiri sur mesure et une glace au lait de Hokkaidô très populaire.
- Ameyoko : au sud de la station Ueno, Ameya (sucreries) Yokochô, contracté en Ameyoko. Ce shôtengai, autrefois un marché noir, s’est développé dans les années qui ont suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale et vendait notamment de nombreuses confiseries.
- Musashikoyama : le shôtengai de Musashi-Koyama, situé juste à côté de la station du même nom, est la plus longue galerie marchande de Tôkyô. Sa longueur totale est de 800 mètres ! C’est un shôtengai typique, à l’ambiance très douce où vous trouverez de tout.
- Happy Road Ôyama : cette rue commerçante en arcade s’étend sur environ 560 mètres depuis la station Ôyama, au nord de Tôkyô. C’est la rue commerçante la plus fréquentée du quartier d’Itabashi, avec environ 220 magasins. Elle est connue pour son pain au curry et pour Pierrot, une crêperie qui a ouvert ses portes en 1979 et qui propose plus de 200 types de crêpes !
- Nakano Sun Mall : la rue menant à Nakano Broadway, à la sortie nord de la gare de Nakano est un shôtengai de Tôkyô très populaire. Vous y trouverez un melon pan (pain sucré) réputé ainsi qu’un stand qui vend des oyaki ! Les oyaki sont des petits desserts ressemblant à des crêpes, remplis de garnitures sucrées ou salées. Ceux aux haricots rouges et au chocolat sont très appréciés.
Les shôtengai de Kyôto
- Nishiki Market : c’est LE rendez-vous des amateurs de cuisine. Il y a 400 ans, le marché Nishiki était un marché aux poissons. C’est aujourd’hui l’endroit où trouver de bons aliments frais, des friandises japonaises, d’excellents ustensiles de cuisine, des épices et des condiments…
- Sanjô Meitengai : ce shôtengai est assez joli avec ses arcades, son toit en forme de dôme avec une belle coupole au sommet et des mosaïques sur le trottoir. C’est l’une des plus anciennes galeries marchandes de Kyôto, mais on y trouve beaucoup de boutiques modernes.
- Furukawachô : très étroite et un peu sombre, Furukawachô shôtengai possède un charme certain. On est loin de l’aimant à touristes que peut être Nishiki market. C’est l’endroit parfait pour profiter de la véritable ambiance des shôtengai à l’ancienne.
- Teramachi et Shin Kyôgoku : Teramachi Shôtengai et Shin Kyôgoku Shôtengai sont parallèles l’une à l’autre et reliées par des rues secondaires tous les 100 à 200 mètres ! À cet endroit on trouve des galeries d’art, des librairies et des magasins de vêtements. Vous y trouverez aussi plusieurs boutiques vendant des articles religieux tels que de l’encens, des images de Bouddha, des perles de prière, etc. Ces boutiques sont un vestige du XVIe siècle, lorsque le seigneur de guerre Toyotomi Hideyoshi déplaça de nombreux temples de la ville dans la rue Teramachi afin de contrôler le clergé (le nom de la rue, Teramachi signifie littéralement « quartier des temples »).
D’autres Shôtengai au Japon
Pas besoin de passer par Tôkyô ou Kyôto pour vous rendre dans un shôtengai. C’est un endroit presque incontournable d’une ville, au même titre qu’un temple. Voici donc quelques shôtengai au Japon à découvrir lors de vos voyages :
Ôsaka
- Shinsaibashi : impossible de venir visiter Ôsaka et de ne pas visiter Shinsaibashi ! Réservée aux piétons, cette rue commerçante a une très longue histoire. Cette zone, où se trouvent certains des ponts historiques d’Ôsaka, existe depuis des centaines d’années et reste l’un des endroits les plus populaires et les plus célèbres de la ville.
- Tenjinbashisuji : la rue commerçante fait 2,6 km de long ! On dit qu’il faut environ 40 minutes pour la parcourir. Sa décoration est magnifique. On y trouve restaurants à l’ancienne, épiceries fines, coutelleries, un magasin de thé fondé en 1868, du tôfu, des croquettes, de la porcelaine et des kimono. Le festival de Tenjin s’y tient les 24 et 25 juillet de chaque année. Des sanctuaires portatifs y défilent alors.
- Komagawa : Komagawa Shôtengai serait l’héritier du marché de Nakano, qui existait au début de l’ère Shôwa. Bien qu’il s’agisse d’un quartier commercial ayant une longue histoire avec la communauté locale à l’époque, Komagawa Shôtengai est résolument tourné vers le futur et diffuse activement des informations sur son blog et sur Facebook afin d’attirer les visiteurs.
Nagoya
- Osu Shôtengai : avec sa grande arche qui ressemble à la porte d’un temple, le shôtengai d’Osu est très accueillant. De nombreux événements y sont organisés tout au long de l’année, notamment le festival d’été d’Osu en août, le festival Daidô Chônin d’Osu en octobre et l’Osu Setsubun Takarabune Gyôretsu (défilé de bateaux au trésor) en février.
- Endôji : ce shôtengai s’est formé lorsque les marchands ont commencé à s’assembler devant la porte du temple Chokyusan Endôji. Cet endroit pittoresque a su conserver son charme. On y fête le festival de Paris (oui, oui) et en été, on peut y danser la célèbre danse Gujô de la préfecture de Gifu !
Fukuoka
- Shintenchô : Shintenchô shôtengai, situé près de la gare de Tenjin, est classé parmi les meilleurs shôtengai du Japon ! Datant de plus de 70 ans, c’est aussi l’un des plus anciens. Il possède également la plus haute horloge à marionnettes du Japon, située au centre de l’arcade. La ville y accueille régulièrement des concerts et des événements publics, ce qui renforce son atmosphère particulière.
- Tenjin underground : j’ai choisi de vous présenter Tenjin shôtengai car c’est un shôtengai souterrain ! (Il en existe plusieurs au Japon, notamment à Shibuya). Connecté au métro Tenjin, il comprend de nombreuses boutiques de mode, de gastronomie, de livres, etc. Des sols en dalles de style européen du XIXe siècle et des plafonds en arabesques le décorent et lui donnent une ambiance unique.
- Kawabatadori Shôtengai : il possède son propre compte Instagram ! C’est la première zone marchande à avoir prospéré dans le district et son histoire remonte à plus de 130 ans. C’est une zone animée, remplie de boutiques de vêtements, de restaurants et de magasins spécialisés. Vous devriez la repérer facilement.
Kumamoto
- Shimotori : ce shôtengai mène droit au château de Kumamoto. Il est typique des shôtengai modernes, plus larges et lumineux que leurs prédécesseurs.
Sapporo
- Tanuki Kôji : Avez-vous remarqué ? Son nom lui vient bien du “tanuki”, ce petit animal japonais. C’est un shôtengai qui mélange boutiques modernes et d’autres à l’atmosphère plus ancienne et nostalgique. Vous pourrez y goûter aux nombreuses saveurs de Sapporo. Parmi les cuisines proposées figurent le robatayaki (barbecue de fruits de mer au charbon de bois) ou le jingisukan (agneau grillé).
Hiroshima
- Hiroshima Hondôri : Hondôri est l’un des principaux quartiers commerçants du centre-ville d’Hiroshima. Ce shôtengai est bordé de magasins de vêtements, de boutiques branchées, de cafés et de restaurants, de karaoke, de salles de jeux, de salons de purikura et de boutiques d’anime.
Les Japonais et les shôtengai
Selon ce rapport japonais, on a demandé à 3 605 hommes et femmes âgés de 20 à 69 ans et vivant dans la préfecture d’Ôsaka : « Dans quelle mesure aimez-vous les shôtengai ? » Le pourcentage de personnes qui aiment les rues commerçantes a atteint 80,7 %. Toujours selon cette étude, 30 % des personnes interrogées se rendent dans ces quartiers commerçants au moins une fois toutes les deux semaines. Les shôtengai ne sont donc pas près de disparaître !
Attention, je vous rappelle que les shôtengai ne sont pas et ne se veulent pas être une “attraction” touristique en soi. Comme nous venons de le voir, il s’agit d’endroits où la communauté locale se retrouve, notamment les personnes âgées. Ces artères pourraient être comparées à “la place du village” en France. N’allez pas y prendre des photos ou des vidéos à tout va, au risque de déranger les commerçants et les habitants. En tout cas, demandez l’autorisation avant de le faire.
Essayez surtout de vous imprégner de l’ambiance, d’y flâner et de vous y laisser surprendre.
Bonne découverte!
Ps : Pour vous repérer dans un shôtengai ou demander votre chemin, je vous conseille cet article sur les noms de commerces japonais !
Image de Couverture par Midjourney