Ce qui fait peur en japonais, ce sont les kanji, c’est-à-dire les idéogrammes issus du chinois. Même s’il existe des méthodes meilleures que d’autres pour les apprendre, on ne peut pas nier que c’est un gros travail, que cela prend du temps et de l’énergie, et qu’on aimerait peut-être utiliser ces mêmes ressources pour progresser à l’oral, en grammaire ou en vocabulaire à la place.
Et d’ailleurs, à juste titre, vous êtes nombreux à me demander s’il est vraiment nécessaire d’apprendre les kanji pour pouvoir se débrouiller en japonais. Je vais donc tenter de répondre aux questions suivantes : peut-on se passer des kanji en japonais ? Et combien faut-il connaître de kanji en japonais ?
Si vous n’êtes pas encore familier avec les termes hiragana, katakana et kanji, je vous recommande de lire d’abord cet article avant de poursuivre votre lecture, sous peine d’être complètement perdu ☹
Le nombre de kanji à connaître dépend de votre objectif
« Je veux parler japonais, pas l’écrire ni le lire »
Il y a quelques temps, j’ai reçu une question très intéressante à laquelle j’aimerais répondre publiquement, car je pense qu’elle concerne nombre d’entre vous. La personne me disait qu’elle veut apprendre le japonais mais uniquement à l’oral, sans aucune intention de le lire ou de l’écrire un jour. Elle me demandait si dans ce cas-là, il était tout de même obligatoire d’apprendre les kana & kanji, ou bien si elle pouvait tout faire en rômaji.
Vous connaissez déjà mon avis sur la retranscription du japonais en lettres romaines, je l’ai suffisamment détaillé dans ce précédent article. Je déconseille fortement d’étudier le japonais en rômaji car c’est le meilleur moyen de faire des erreurs et de mal prononcer les mots car on ne fera pas attention aux allongements, etc.
Néanmoins, dans le cas précis d’une personne qui n’a aucune intention de lire le japonais, il est envisageable d’apprendre la langue uniquement en rômaji, à la seule condition d’être extrêmement vigilant sur les supports d’études choisis afin qu’ils retranscrivent parfaitement les différentes règles propres au japonais (allongements, petits tsu, etc), et de veiller à toujours vérifier ses sources.
En effet, la très grande majorité des sites internet, applications et livres enseignant le japonais en rômaji ne sont pas rigoureux sur la retranscription en alphabet latin, et c’est comme ça qu’on acquiert de mauvaises habitudes dont il est difficile de se défaire.
Sur mon blog, je suis très attentive aux rômaji que j’utilise, mais je ne vous recommande pas d’apprendre de cette manière.
C’est pourquoi, même pour une personne qui n’a aucune intention de lire le japonais, je conseillerais tout de même d’apprendre au minimum les hiragana. Cet apprentissage permet de mieux comprendre la prononciation japonaise ainsi que les différentes règles qui passent vite à la trappe avec les rômaji.
Je trouve ça vraiment dommage de vouloir apprendre une langue aussi belle et éloignée de la nôtre sans faire l’effort de mémoriser l’alphabet de base. Cela fait partie intégrante du langage et de la culture nippone, et ça apporte une toute autre perception de la langue que de savoir les lire. Et franchement, apprendre juste les hiragana, ce n’est pas la mort non ? 😉
Pour les kanji, c’est une autre histoire. Lors d’un voyage touristique au Japon, ne connaître aucun kanji ne vous empêchera clairement pas de profiter de votre séjour. La première fois que je suis allée au Japon, j’y suis restée 3 semaines et je ne savais pas du tout lire le japonais. Cela ne m’a pas empêchée de profiter pleinement de mon séjour, comme bon nombre de touristes chaque année.
Donc si vous n’avez pas du tout envie de vous plonger là-dedans (et ça se comprend !), ce n’est pas grave du tout.
Il est également possible d’avoir un très bon niveau de japonais à l’oral sans connaître un seul kana ou kanji.
Mais encore une fois, si votre objectif est d’aller plus loin et d’atteindre un niveau avancé en japonais, je trouve cela dommage de mettre de côté tout un pan de la culture et de la langue.
« Je veux maîtriser tous les aspects de la langue »
Si, comme la majorité de mes élèves, vous souhaitez maîtriser tous les aspects de la langue (oral & écrit), alors évidemment les kanji seront une étape indispensable (les kana étant la base absolue par laquelle il faut commencer si vous êtes débutant !).
Après, pour savoir combien de kanji il vous faudra connaître, cela dépend uniquement de votre objectif. Si vous n’avez pour projet que de partir 1 ou 2 fois au Japon pour visiter le pays, connaître les 50 kanji de base peut être amplement suffisant.
Néanmoins, si vous avez pour ambition de devenir bilingue en japonais, il faudra viser un peu plus haut.
Ne nous précipitons pas tout de suite corps et âme dans ces centaines de signes aux milliers de traits ; prenons les choses dans l’ordre, et voyons déjà quelle est l’utilité réelle des kanji 😉
A quoi servent les kanji en japonais ?
1 kanji = 1 concept
Comme je vous l’expliquais dans cet article, les kanji sont des idéogrammes importés de Chine. Chaque kanji désigne un objet ou un concept, et ils peuvent se combiner entre eux pour créer de nouveaux mots.
C’est d’ailleurs pour cela qu’on les appelle « idéogramme » en français, c’est-à-dire un signe graphique représentant une idée.
Les kanji peuvent représenter des objets concrets comme par exemple un arbre 木, une montagne 山 ou un livre 本, ou bien symboliser des notions abstraites comme l’amour 愛, la mort 死 ou encore la beauté 美.
Apporter du sens à une phrase
Saviez-vous qu’en japonais, il n’y a pas d’espace entre les mots ?
A moins de lire un livre pour enfant ou destiné aux étrangers, il n’y a traditionnellement pas d’espace entre les mots en japonais. Ce qui fait que si on écrivait tout en kana, la lecture deviendrait fastidieuse et on ne comprendrait parfois même pas où s’arrêtent les mots.
Par exemple :
むりやりおおきくうきをはき、きそくをととのえる。このせかいのからだはさんそをひつようとしないが、むこう、つまりげんじつせかいによこたわるおれのなまみはいまはげしくこきゅうをくりかえしているはずだ。
Tandis que la version originale comporte bien évidemment des kanji :
無理やり大きく空気を吐き、気息を整える。この世界の体は酸素を必要としないが、向こう、つまり現実世界に横たわる俺の生身は今激しく呼吸を繰り返しているはずだ。
Extrait du light novel Sword Art Online
Même si ce texte est d’un niveau avancé, vous conviendrez du fait que grâce aux kanji, on distingue tout de suite les mots et ce qu’ils veulent dire. Vous reconnaissez peut-être même certains kanji ? 😉 Comme celui « grand » 大, et éventuellement 世界 qui veut dire « le monde », ou encore 今 pour dire « maintenant », par exemple.
Grâce aux kanji, le sens des mots nous saute immédiatement aux yeux. Et si on ne connaît pas le kanji, il suffit de chercher dans un dictionnaire ou dans une application pour savoir ce qu’il signifie. Il n’est même pas nécessaire de savoir le prononcer pour saisir le sens de la phrase.
Avec un texte uniquement en kana comme ci-dessus, il faut déjà se concentrer pour savoir où se terminent les mots, puis deviner ce qu’ils veulent dire en se basant seulement sur leur phonétique.
Et ce qui est très embêtant, c’est qu’en japonais beaucoup de mots se lisent de la même manière.
Voici quelques exemples :
はし (hashi) : Le pont ou les baguettes ?
くも (kumo) : L’araignée ou le nuage ?
のり (nori) : La colle ou l’algue ?
Sans kanji et sans contexte, il est très difficile de savoir si on dit qu’on a peur des araignées ou peur des nuages, ou si on aime manger des algues ou de la colle… 😉
Le nombre de kanji à connaître
Lors d’un voyage au Japon
Si vous souhaitez apprendre le japonais dans le seul but de pouvoir mieux profiter de votre prochain voyage au Japon, il n’est pas indispensable de connaître des centaines de kanji. Quelques dizaines peuvent suffire à vous aiguiller pour lire un menu de restaurant, comprendre le fonctionnement d’une machine ou trouver la sortie d’une gare.
Il suffit de cibler les kanji que vous allez croiser le plus au cours de votre voyage afin de vous concentrer dessus lors de votre apprentissage.
Si vous ne savez pas exactement comment procéder, ça tombe bien car je vous ai mâché le travail en créant la formation OBJECTIF JAPON que vous pouvez découvrir juste ici 😉
Pour habiter au Japon
Il est totalement possible d’habiter au Japon sans parler un mot de japonais. Cela va juste vous compliquer la tâche lorsque vous irez faire vos courses au supermarché et que vous aurez besoin de remplir des papiers administratifs non traduits en anglais (et encore moins en français !).
Aussi, si vous avez pour projet d’aller vous installer un jour au Japon, je vous recommande de démarrer le plus tôt possible votre apprentissage de la langue japonaise. Chaque journée passée en France vous permet de mémoriser de nouveaux kanji qui vous seront utiles une fois sur place.
Et comme la liste officielle des Jôyô kanji estime qu’il faut en connaître 2136, autant s’y prendre un peu à l’avance !
Évidemment, si vous ne les connaissez pas tous, cela ne vous empêchera pas de pouvoir vous installer au Japon et d’y vivre pendant quelques années. Néanmoins, si vous le pouvez, je vous conseille d’arriver là-bas avec un niveau JLPT4 minimum afin de pouvoir vous exprimer correctement et ne pas être trop largué.
Pour les papiers administratifs, sans un JLPT3 ça risque d’être vraiment compliqué si vous n’avez aucune aide extérieure ☹
A lire en complément : Combien de temps faut-il pour être bilingue en japonais ?
Pour travailler au Japon
Lors de vos entretiens d’embauche au Japon, vous allez évidemment devoir prouver votre niveau de japonais. Ainsi, il vous sera demandé de valider l’examen du JLPT. Le niveau exigé varie en fonction du poste auquel vous prétendez :
- N5 : Petit job type « plonge en restaurant »
- N4 : Caissier en combini
- N3 : Informatique, travail sans relation avec le client, peu de japonais utilisé (ex : informatique)
- N2 : Tout autre emploi dans une entreprise ou en contact avec de la clientèle
- N1 : Emploi requérant une excellente maîtrise de la langue japonaise (ex : journalisme)
/!\ ATTENTION : Les estimations ci-dessus ne sont pas à prendre au pied de la lettre. Elles sont là pour vous donner une idée globale du niveau de japonais à atteindre selon votre objectif.
Je connais de nombreux Français qui ont trouvé facilement du travail au Japon en ne parlant absolument pas japonais (mais en parlant très bien anglais), tandis que d’autres personnes avec un bon niveau de japonais n’ont pas forcément trouvé d’emploi adapté à leurs compétences.
Comme en France, il est également nécessaire d’avoir un diplôme professionnalisant pour décrocher un emploi au Japon (en dehors d’un petit job), mais cela est un autre sujet 😉
Peut-on se passer des kanji en japonais ?
Les kanji de base
Vous l’aurez compris, en fonction de votre objectif le nombre de kanji à connaître ne sera pas le même. Quel que soit votre but final, je vous recommande d’au moins apprendre les kanji basiques en japonais afin que vous puissiez reconnaître quelques éléments lors de votre prochain voyage, ou tout simplement pour mieux comprendre le fonctionnement de la langue japonaise.
Il est même amusant de comprendre la logique qui se cache derrière certains idéogrammes car ce ne sont rien de plus que des pictogrammes.
Vous pouvez déjà commencer par mémoriser les 50 premiers kanji dont je vous parle dans cet article. Vous y trouverez des moyens mnémotechniques rigolos pour chacun, ce qui allège réellement l’effort de mémorisation 😉 L’un de mes élèves a même réussi à les apprendre tous en une journée, donc c’est tout à fait faisable !
Tous les kanji japonais
Comme dit plus haut, la liste officielle des kanji à usage commun (appelés Jôyô kanji) comporte 2136 idéogrammes. Ce sont les kanji que tout étudiant japonais est censé maîtriser en sortant du lycée car ils représentent l’ensemble des kanji utilisés dans les documents officiels et les journaux.
A noter que cette liste évolue au fil du temps car en japonais, et comme dans n’importe quelle langue vivante, certains mots désuets disparaissent et de nouveaux font leur apparition. En 1981, la liste contenait 1945 idéogrammes.
Si vous connaissez déjà les kanji de base (niveau JLPT5) et que vous avez pour objectif d’aller plus loin, vous pouvez passer à la suite ! Pour cela, je vous recommande les livres suivants :
- Kanji Kakitai : C’est le livre que j’utilise avec mes élèves. Il contient 600 kanji classés dans un ordre de progression logique. Une fois terminé, cela représente un niveau JLPT3 en kanji.
- Kanji to kana : Je le déconseille pour les grands débutants car il n’est pas fait pour apprendre les kanji en partant de zéro. Il est bien en tant que dictionnaire de kanji, ou pour les niveaux plus avancés. En gros, après avoir terminé le Kanji Kakitai, vous pouvez enchaîner sur le Kanji to kana.
- Les kanji dans la tête : Méthode d’apprentissage qui diffère radicalement des méthodes « classiques ». J’y ai consacré tout un article ici même, je vous laisse le lire si cela vous intéresse 😉
En commentaire, j’aimerais que vous me disiez combien de kanji vous connaissez à l’heure actuelle, et quel est votre objectif à l’avenir !
Si vous n’avez aucune idée de combien de kanji vous connaissez, vous pouvez cliquer sur ce lien pour évaluer votre niveau. Il suffit de cocher tous les kanji que vous maîtrisez et de presser sur « Check ! » tout en bas.
Ça permet de gagner du temps pour les personnes de niveaux intermédiaires et avancés 😉
18 commentaires
Teresa Arthur
Sophie,
Dans cet article, vous mettez un texte en japonais que j’ai lu, sans trop de dfficulte.
Mon but, je n’en ai pas car j’ai plus de 70 ans, donc, je cherche une personne qui
pourrait venir a St.Pierre et Miquelon pour un autre travail et en meme temps
donnerait des cours de Japonais.
Je donne evidemment des cours pour debutants et primaires, mais les cours avances
je ne suis pas sure de povoir y parvenir.
Merci de l’attentio que vous porterez a ce message.
Merci encore.
Teresa
Sophie - Cours de Japonais
Bonjour Teresa,
Je ne comprends pas bien ce que vous recherchez à travers le commentaire que vous m’avez laissé.
Si vous avez déjà un niveau avancé en japonais, je ne pense pas que mes services vous seront bien utiles car ma formation en ligne et mes cours particuliers sont conçus pour des débutants.
Peut-être devriez-vous passer une annonce dans un groupe Facebook dédié à l’apprentissage du japonais ?
Cédric
Bonjour. Je connais les 50 kanji de base de la liste, bien qu’il y ai 2 ou 3 kanji dont je connaisse le sens mais pas la prononciation.
Dans le livre « Les Kanjis dans la tête » que j’ai utilisé pour faire paquet de carte sur ANKI j’en suis au numéro 71 avec sens et lectures ON et KUN et des exemples de vocabulaire en ON.
Pour le Check de kanji, il a dit que j’en connais environs 220-240, ce qui m’a beaucoup surpris, mais pour tous les kanji que j’ai cliqué j’en connais le sens, souvent la prononciation KUN et la pronciation ON.
Gath
Bonjour, vous dîtes que vous utilisez le livre Kanji Kakitai avec vos élèves alors que vous avez dressé un tableau incroyable de la méthode « Les kanji dans la tête ». Pourriez-vous nous expliquer ce qui a motivé votre choix plutôt que ce dernier ? Merci !
Sophie - Cours de Japonais
C’est une bonne question, merci de l’avoir posée ! Je pourrai d’ailleurs en faire une vidéo explicative ou un article à part entière.
J’utilise le Kanji Kakitai avec mes élèves car les kanji y sont présentés dans un ordre d’apprentissage logique et progressif (en premier les kanji les plus simples et courants de niveau JLPT5, puis JLPT4 et 3).
Tandis que le Kanji dans la tête ne suit absolument aucun ordre de progression logique. On se retrouve dès le départ avec des kanji de niveau JLPT1, voire des kanji encore plus rare et donc pas du tout utiles pour un grand débutant !
J’ai néanmoins implémanté le Kanji dans la tête dans certains de mes cours avec des élèves plus avancés qui avaient déjà de bonnes bases en kanji.
L’approche des Kanji dans la tête est totalement différente des autres livres. Je ne recommande pas de se lancer dedans tant qu’on ne maitrise pas au moins une centaine de kanji basiques et utiles à un niveau débutant.
Après je connais des personnes qui ont commencé directement leur apprentissage des kanji par la méthode Heisig, et ça fonctionne très bien sur le long terme ! Il faut juste accepter d’apprendre dès le départ de skanji dont on ne se servira que très rarement dans sa vie, et donc qu’il nous sera impossible de comprendre tout de suite des textes pour débutants. Ca dépend si on vise du court ou long terme 🙂
Mon avis est que les premiers mois d’apprentissage du japonais devraient être consacrés à du « court terme », c’est à dire avoir des résultats immédiats permettant de tout de suite lire et comprendre des textes de niveau débutant. C’est très encourageant et motivant pour la suite. Par contre une fois atteint un certain niveau, il faut clairement viser le « long terme », et c’est là que les Kanji dans la tête deviennent intéressants. Mais ce n’est que mon avis 🙂
Dhos
Bonjour Sophie ,
Permettez moi de me présenter. Je vais avoir 77 ans, je suis Japonisant depuis l’âge de 15 ans.
J’ai vécu avec ma petite famille à Tokyo de 1976~80. Depuis cette période je ne pense pas avoir progressé dans mes connaissances linguistiques que j’essaie de conserver afin de pouvoir être agréable et surtout de renseigner dans la mesure de mes possibilités car il m’est arrivé d’aider des touristes Japonais en grande difficulté.
Je continue de découvrir grâce à des personnes comme vous, une continuité dans l’apprentissage de la langue Japonaise.
Vu mon âge, je n’ai pas l’intention de faire des performances. Mais il est bon de faire fonctionner sa matière grise, ceci dit : l’étude des » kanji » est un exercice formidable.
En résumé , je continue à mon petit rythme d’ essayer de rester dans le coup.
Je vous souhaite une bonne continuation et c’est avec plaisir que je prends connaissance de vos articles.
Jacky
PS. Ma petite famille et moi même repartons très prochainement au Japon pour un petit voyage.