Ceci est un article écrit par Greg du blog « Jôdo Shinshû, branche Otani« , qui est également mon mari 😉 Quand on pense au bouddhisme japonais, on pense souvent immédiatement au Zen. A tel point que de nombreuses personnes pensent qu’il n’existe qu’une seule école bouddhiste au Japon.
Pourtant c’est loin d’être le cas ; en effet le Japon compte actuellement plusieurs dizaines d’écoles et sous-écoles bouddhistes. Dans cet article je vais vous présenter 4 des principales écoles bouddhistes japonaises encore en activité en dehors du Zen. Pour chacune d’entre elles, je vous donnerai quelques informations sur leur création, leurs enseignements spécifiques et où trouver leur temple principal.
1. L’école bouddhiste Shingon
Nom japonais : 真言宗・しんごんしゅう・l’école de la parole vraie ou école des mantra
Création de l’école Shingon
En 804, un jeune moine japonais de 31 ans nommé Kûkai (空海・くうかい・Océan de Vacuité) entreprend le périlleux voyage du Japon à la Chine.
Son seul but est d’étudier auprès des grands maîtres chinois une nouvelle forme de bouddhisme importée d’Inde depuis peu : le bouddhisme ésotérique. Après 2 ans d’études, il retourne au Japon les bras chargés de soutras, peintures et objets rituels et fonde une nouvelle école : le Shingon.
En 816, il reçoit la permission de l’empereur de construire un monastère au Mont Kôya (高野山・こうやさん). Kûkai choisit ce lieu car il est d’une part assez difficile d’accès, ce qui permettra à ses disciples de pratiquer les exercices spirituels à l’écart du monde, et d’autre part car il perçoit les montagnes aux alentours comme formant une sorte de mandala naturel.
Les enseignements spécifiques de l’école Shingon
L’école Shingon est une école bouddhiste de type ésotérique, c’est-à-dire qu’elle se base sur des initiations et des rituels complexes et secrets, transmis de maître à disciple.
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Plus d’informationsExemple de rituel Shingon
Il s’agit de l’école bouddhiste japonaise qui se rapproche le plus du bouddhisme tibétain.
Pour les adeptes de l’école Shingon, tous les êtres ont la possibilité de devenir bouddha. Leur but est donc de devenir un bouddha dans notre vie présente, ce qu’ils nomment Sokushinjôbutsu (即身成仏・そくしんじょうぶつ). Pour cela il faut s’appuyer sur les trois mystères que sont :
- La parole par l’utilisation de mantra
Exemple de mantra
- Le corps par l’utilisation de mudra, c’est-à-dire de positions de mains particulières
- La pensée par la visualisation de Bouddhas, Bodhisattva (Bouddha en devenir) ou encore divinités courroucées tels que Fudô Myôô (不動明王・ふどうみょうおう・Le roi de science inamovible).
Grace à ces trois mystères, l’adepte se transforme peu à peu en Bouddha en adoptant la parole, la gestuelle et la pensée des Bouddha.
Une autre spécificité du bouddhisme Shingon est que les passions mauvaises, telles que l’avarice, la colère et l’ignorance, ne sont pas considérées comme un frein à l’éveil. Au contraire, elles sont considérées comme étant de la même nature que l’éveil des Bouddha et peuvent être transformées en aide à l’éveil.
Le temple principal de l’école Shingon
Comme décrit plus haut, une fois rentré au Japon, Kûkai fonda un temple sur le Mont Kôya. C’est toujours là que se trouve le temple principal de l’école Shingon : le Kongōbu-ji (金剛峰寺・こんごうぶじ). En réalité globalement tous les temples du Mont Kôya sont de l’école Shingon. C’est aussi là-bas que se trouve le plus grand cimetière de Japon, remplis de légendes effrayantes dont j’ai parlé dans cet article.
Si vous avez envie d’en savoir plus sur le Shingon, il existe un très joli temple Shingon en France nommé Kômyôin (光明院・こうみょういん).
2. L’école bouddhiste Tendai
Nom japonais : 天台宗・てんだいしゅう・l’école de la terrasse céleste
Création de l’école Tendai
La même année que Kûkai, un autre moine japonais entreprend le dangereux voyage vers la Chine. Son nom est Saichô (最澄・さいちょう) et il a pour but d’étudier en profondeur les doctrines de l’école chinoise Tiantai.
Après à peine 8 mois en Chine, Saichô doit retourner au Japon et fonde la branche japonaise de l’école Tiantai : le Tendai.
Comme Kûkai, il choisit une montagne en retrait de la capitale Japonaise pour établir son école : le Mont Hiei (比叡山・ひえいざん).
Les enseignements spécifiques de l’école Tendai
L’école Tendai se base principalement sur le soutra du Lotus, un des textes bouddhistes les plus connus, et sur les enseignements du moine Tiantai Zhiyi. Tout comme le Shingon, le Tendai reconnait que tous les êtres peuvent devenir des Bouddha, mais le Tendai pousse cette réflexion encore plus loin en reconnaissant que même les plantes et les montagnes ont en eux la nature de Bouddha.
Une des particularités de l’école bouddhiste Tendai est qu’elle intègre 4 grandes pratiques qui font autrement chacune l’objet d’écoles spécifiques :
- La méditation dérivée des instructions de Zhiyi
- L’ésotérisme avec des rituels proches de ceux de l’école Shingon. D’ailleurs Saichô et ses disciples furent formés par Kûkai à l’ésotérisme
- Les pratiques de la Terre Pure, avec la vénération du Bouddha Amida et la récitation de son nom
- Le maintien de préceptes des bodhisattvas
Le Tendai est donc une école polyvalente proposant un cursus de pratiques variées. Ce n’est alors pas un hasard si les principaux fondateurs de écoles bouddhistes ultérieures sont tous d’anciens moines Tendai. Chacun d’eux mettra l’accent sur une des pratiques proposées par le Tendai et l’approfondira jusqu’à former une nouvelle école bouddhiste. C’est notamment le cas du Zen mettant l’accent sur la méditation assise, mais également des 2 autres écoles bouddhistes que je vais vous présenter dans la suite de cet article : Jôdo shû et Jôdo Shinshû.
Le temple principal de l’école Tendai
Le temple principal de l’école Tendai est le temple Enryakuji (延暦寺・えんりゃくじ) sur le Mont Hiei.
Ce temple est notamment connu pour ces moines marathoniens qui ont fait récemment l’objet de multiples reportages.
Épisode de Sagesses bouddhistes sur les moines marathoniens de l’école Tendai
3. L’école bouddhiste Jôdo
Nom japonais : 浄土宗・じょうどしゅう・l’école de la Terre Pure
Création de l’école Jôdo
L’école bouddhiste Jôdo a été au début du XIIème siècle par un moine érudit de l’école Tendai nommé Hônen (法然・ほうねん).
Hônen avait pour rêve de trouver un enseignement bouddhiste qui permettrait à tous les êtres de facilement devenir des Bouddha. Pour lui, les pratiques et doctrines des écoles bouddhistes implantées au Japon étaient tellement complexes qu’elles n’étaient accessibles qu’aux moines érudits. Hônen trouvait inadmissible que les gens du peuple soient exclus.
Après avoir lu plusieurs fois l’ensemble des textes bouddhistes, il finit par tomber sur un commentaire du moine chinois Shandao décrivant une méthode simple pour devenir un Bouddha.
Hônen abandonna alors le Mont Hiei et parti s’installer à Kyôto et commença à enseigner. Parmi ses disciples se trouvaient aussi bien des nobles de très hauts rangs tels que Kujô Kanezane (九条 兼実・くじょうかねざね), qui était l’équivalent du Premier Ministre actuel, que des prostituées, des pêcheurs et des moines.
Les enseignements spécifiques de l’école Jôdo
L’école Jôdo se base sur une pratique unique et simple : la récitation du nom du Bouddha Amida. D’après les soutras, ce Bouddha a créé une Terre Pure, c’est-à-dire un environnement parfait pour pratiquer et étudier la voie bouddhiste et il a fait le vœu d’accueillir dans cette Terre Pure quiconque prononcerait son nom. Cette invocation du nom du Bouddha s’appelle Nembutsu (念仏・ねんぶつ) et prend la forme de « Namu Amida Butsu » (南無阿弥陀仏・なむあみだぶつ) qui veut dire : « je m’en remets au Bouddha Amida ». Cet hommage peut être pratiqué par n’importe qui, pas besoin d’être un spécialiste de la méditation ou un moine érudit.
Pour la petite anecdote, pour ceux d’entre vous qui regardent l’anime ou lisent le manga Demon Slayer (鬼滅の刃・きめつのやいば), le personnage de Gyomei Himejima est présenté comme un pratiquant bouddhiste avec un chapelet à la main et Namu Amida Butsu écrit sur sa veste happi 😉
Le temple principal de l’école Jôdo
Comme pour toute école bouddhiste qui se respecte, il existe plusieurs sous-écoles du Jôdo, mais le temple principal de la branche principal est le Chion-in (知恩院・ちおんいん) à Kyôto. Ce temple est notamment réputé pour son impressionnante porte Sanmon qui est un trésor national du Japon.
4. L’école bouddhiste Jôdo Shinshû
Nom japonais : 浄土真宗・じょうどしんしゅう・l’école véritable de la Terre Pure
Création de l’école Jôdo Shinshû
Hônen, le fondateur de l’école Jôdo Shû eu de nombreux disciples dont plusieurs devinrent les fondateurs de nouvelles écoles. Parmi eux se trouve Shinran (親鸞・しんらん).
Devenu moine à l’âge de 9 ans, il pratiqua dans l’école Tendai pendant 20 ans. Cependant, malgré toutes ses années de pratique, il se rendait compte qu’il ne progressait pas sur la voie de l’éveil. Insatisfait, il quitta l’école Tendai et devint un disciple de Hônen.
En 1207, Shinran fut condamné à l’exile dans une région reculée par le gouvernement suite à la pression des écoles bouddhistes qui voyaient d’un mauvais œil les pratiques égalitaires et simples enseignées par Hônen et ses disciples. Il fut également privé de son statut de moine, se définissant lui-même comme « ni-moine ni-laïc », il se maria et renonça aux préceptes bouddhistes tout en continuant à enseigner aux gens du peuple.
Les enseignements spécifiques de l’école Jôdo Shinshû
J’ai déjà écrit tout un article sur le Jôdo Shinshû, étant moi-même un pratiquant de cette école, mais je vais ici vous résumer ses enseignements.
Le Jôdo Shinshû est très proche du Jôdo Shû dans le sens ou la pratique principale de cette école est aussi le Nembutsu. Mais là où le Jôdo Shû met plus l’accent sur la répétition du nom du bouddha, le Jôdo Shinshû met plus l’accent sur le fait de s’en remettre entièrement au Bouddha Amida. Le Nembutsu étant alors perçu non pas comme un geste de notre part nous apportant des bénéfices, mais simplement comme une façon de remercier le Bouddha pour ses bienfaits.
Petite anecdote intéressante : si de nos jours tous les prêtres bouddhistes au Japon, peu importe leur école bouddhiste, ont le droit de se marier, historiquement seuls les prêtres Jôdo Shinshû avaient cette possibilité. Ce privilège dérivant du statut particulier de « ni-moine, ni-laïc » de Shinran.
Le temple principal de l’école Jôdo Shinshû
En vérité il y a deux temples principaux pour l’école Jôdo Shinshû, le Nishi Honganji (西本願寺・にしほんがんじ) et le Higashi Honganji (東本願寺・ひがしほんがんじ) correspondant aux temples principaux des deux sous-écoles du Jôdo Shinshû.
Il s’agit de deux énormes complexes de temples se trouvant à quelques rues l’un de l’autre juste à côté de la gare de Kyôto.
J’espère que cet article vous a plu et que vous avez appris de nouvelles choses sur les écoles bouddhistes japonaises ! Il existe bien entendu d’autres écoles bouddhistes importantes dont je n’ai pas parlé ici, notamment l’école Nichiren (日蓮宗・にちれんしゅう) ou les différentes écoles du Zen, ayant préféré me concentrer sur les écoles que je connais le mieux et qui sont moins souvent mises en avant.
Si vous avez des questions ou des remarques, laissez-moi un commentaire ci-dessous !
Je vous répondrai avec grand plaisir 😉
8 commentaires
Eirene
Très intéressant! Je ne connaissais pas du tout ces écoles boudhistes! Je pense que je reviendrai à cet article plusieurs fois, il regroupe beaucoup d’infos, et j’aimerais approfondir encore plus. J’adore l’histoire.
Merci beacoup pour m’avoir donné plus de culture!
Christophe
Bonjour, et bravo pour cet article synthétique et très complet. Il est tout à fait vrai que la place de bouddhisme zen est relativement restreinte dans l’ensemble des sectes bouddhistes au Japon. Merci pour cette mise au point.
nico
je trouve que c’est intérressant, c’est la qu’on voir qu’il n’y a pas qu’un seul type de bouddhisme au japon et qu’en fait c’est variée
Vero
Un article vraiment instructif. La culture japonaise est tellement riche, je n’imaginais pas autant d’écoles du bouddhisme. Je ne suis pas étonnée de voir plusieurs fois Kyoto dans les lieux importants pour les écoles que tu présentes. J’ai été vraiment surprise du nombre de grands temples dans cette ville. Je pourrai les visiter avec un oeil averti la prochaine fois. Merci pour toutes ces informations !
Geneviève Deliry
Merci pour ce partage très intéressant
Grégory
Merci pour cet article bien détaillé et complet. J’ignorais totalement qu’ils existaient autant de courants différents.
Cédric
C’est un article intéressant. Mais je voudrai savoir c’est qui le Bouddha Amida ? Il a vécu où et quand ? Il a fait quoi durant sa vie ? Merci.
Sophie - Cours de Japonais
Merci pour ton commentaire.
Contrairement au Bouddha Shakyamuni qui a vécu en Inde il y a 2500 ans, le Bouddha Amida n’est pas un Bouddha historique. Il s’agit d’un Bouddha mythique dont la vie est décrite dans les soutras d’Amida. Ces soutras ont été traduits en France sous le titre « Trois soutras et un traité de la Terre Pure ».