été horrifique au Japon

L’été : la saison de la peur au Japon 

Si je vous dis “été japonais”, à quoi pensez-vous ? Est-ce qu’il vous vient des images de crème glacée, de plages et de matsuri endiablés ? Personnellement, pour moi, l’été rime plutôt avec la sueur qui coule dans le dos et avec le bruit assourdissant des cigales. 

Si l’été au Japon est en effet la saison des feux d’artifice et des yukata, c’est aussi la saison de la peur, celle des histoires de fantômes que l’on se raconte en chuchotant dans son sac de couchage sans parvenir à trouver le sommeil. Cette période de chaleur intense, où les Japonaises dissimulent leur visage et leur corps sous ombrelles, visières et vêtements amples, et où l’on sort lorsque la nuit tombe, ce qui peut vite enflammer l’imagination.

Cela fait des siècles que le Japon a fait de l’été la saison qui fait peur et je vais vous expliquer pourquoi aujourd’hui !

Un moyen de se rafraichir original

Contrairement aux célébrations d’Halloween, qui sont populaires depuis peu au Japon, la tradition de se raconter des histoires effrayantes en été remonterait à l’ère Edo (1603-1867) ! 

Nous autres Occidentaux, nous associons les monstres et les fantômes à l’arrivée de l’hiver et aux nuits qui s’étirent. Eh bien au Japon, on se raconte des histoires de fantômes… pour se rafraichir !! N’est-ce pas merveilleusement logique ?

Hop un petit frisson d’angoisse et voilà la chaleur oubliée ! Il faut dire qu’au Japon, l’été est une période incroyablement chaude et humide. À l’époque où l’air conditionné n’existait pas encore, ce petit frisson qui traversait tout le corps et donnait la chair de poule était donc le bienvenu pour faire oublier l’air irrespirable.

Ces histoires de fantômes appelées « kaidan » sont devenues très populaires et la tradition de se faire peur en été s’est perpétuée jusqu’à nos jours.

Les anciennes formes de théâtres traditionnelles comme le kabuki ou le nô abordent déjà le sujet de l’au-delà et des esprits. Puis, dans les années 60-70, les « kaidan monogatari » et autres contes sont portés sur grand écran, puis sur petit écran, effrayant de nouvelles générations de jeunes Japonais. Les manga ne sont pas en restes et de nombreux auteurs horrifiques incroyables existent au Japon (comme le maître Junji Ito).

L’horreur japonaise s’est même exportée à l’étranger grâce à certains films et œuvres vidéoludiques, regroupées sous le nom de J-horror.


l'été et les fantômes au Japon


L’été et les esprits 

J’ai déjà abordé le sujet dans mes newsletters et dans quelques articles, mais le bestiaire fantastique et horrifique japonais, composé de créatures monstrueuses et de revenants plus ou moins vengeurs, est extrêmement riche. Les fantômes font partie de la culture japonaise ancienne et moderne, au même titre que l’art du bain (c’est vous dire à quel point c’est important). 😉

Je ne vais pas revenir ici sur les multiples sortes d’esprits qui peuplent l’imaginaire japonais. Il me faudrait rédiger un article dédié, voire même écrire un livre sur le sujet. Ce bestiaire comprend différents types de créatures allant du yûrei à l’obake en passant par l’onryô ou le yôkai. D’ailleurs une rédactrice nous a rédigé un super article sur les Yôkai dans le monde des films de Miyazaki si ça vous intéresse !

Issues de traditions et de religions très différentes, principalement des croyances bouddhistes, hindouistes et shintoïstes, ces créatures ne sont pas particulièrement liées à l’été.

En revanche, le festival de O-bon est LA fête qui rend hommage aux défunts et aux ancêtres. Et vous savez quoi ? O-bon a lieu mi-août !

Célébré pendant trois jours, ce festival est l’occasion pour les familles de passer un moment ensemble, de se rendre sur les tombes afin de les nettoyer et de les décorer. Souvent, les entreprises japonaises offrent même des jours de congés à leurs employés à cette occasion.

Pas étonnant donc que le mois d’août soit un mois associé aux esprits ! La croyance populaire veut d’ailleurs que, pendant O-bon, les esprits des morts reviennent dans le monde physique depuis l’au-delà pour rendre visite à leurs proches. Je vous prépare un article dédié entièrement au festival, il sortira très bientôt.

Bon, vous me direz, le festival d’O-bon est une fête de famille qui n’a rien d’effrayant. Cependant, il y a des siècles, on croyait que les esprits revenant pour O-bon n’étaient pas les seuls à apparaître à cette période. D’autres fantômes plus malveillants et n’ayant rien d’humain en profiteraient également pour se manifester.

défis de la peur au Japon


Le défi de la peur

Raconter des histoires effrayantes ne pouvait suffire à certains Japonais. Une autre tradition a progressivement vu le jour en été : celle des défis effrayants.

On raconte qu’à l’époque d’Edo, 100 guerriers samouraïs se réunissaient en cercle pour se raconter des histoires effrayantes. À chaque histoire racontée, l’une des 100 bougies placées devant eux devait être soufflée, plongeant le groupe un peu plus dans le noir.

Cette coutume était connue sous le nom de « hyakumonogatari kaidankai« . Ce rituel était même censé  convoquer dans des esprits maléfiques dans notre monde (un ancêtre du rituel de la planche ouija ?). En tout cas, c’était sans conteste un moyen pour les samouraïs de prouver leur courage. Pas question d’être le premier à briser le cercle et à s’enfuir !

Ce passe-temps, comme bien d’autres jeux d’invocations d’esprits devenus très populaires, est resté associé à la saison estivale.

Une autre tradition remontant quant à elle à l’époque Heian (794 – 1185) est celle du “kimodameshi” ou “test de courage”. Le but est de se rendre seul ou en groupe dans un endroit effrayant comme une forêt, un bâtiment abandonné, un tunnel ou dans un endroit réputé comme hanté pour tester sa bravoure.

Ce jeu d’été fait penser à notre version de la maison hantée dans un parc d’attractions.  Il peut être très organisé et fonctionne comme un rite de passage pour les adolescents. C’est aussi l’occasion de conquérir le cœur de la personne que l’on aime en la protégeant d’éventuels dangers. Il n’est donc pas rare d’effectuer le kimodameshi en couple. Certains sont même organisés dans des écoles, vous en avez peut être vus dans certains anime ou manga.


Se faire peur en été au Japon

Si vous êtes au Japon en été, sachez que c’est la saison où de nombreux films d’horreur sortent au cinéma. Parfois, ceux-ci rediffusent même de vieux classiques de l’horreur comme Ring ou Kairo. La télévision diffuse également un certain nombre d’émissions, de jeux et de films d’animation horrifiques.

Si vous aimez l’horreur, je vous recommande de regarder des contenus en japonais sous-titrés japonais ! Vous vous ferez ainsi plaisir tout en continuant de travailler votre compréhension orale.

YT de l'horreur japonais
Chaînes d’horreurs japonaises sur YouTube


Personnellement je vous recommande ces chaînes YouTube (en anglais et en japonais) pour frissonner comme si vous étiez vous-même au Japon  : 

  • Clip Store : enquêteurs de l’horreur, frissons garantis
  • Zozozo : humour et enquêtes paranormales 
  • Sadako : découvrez le quotidien japonais de Sadako, cette chaîne est drôle et les sous-titres en japonais sont très pratiques pour travailler sa lecture des kanji.
  • Horâchan neru : chaîne d’histoires horrifiques, âmes sensibles s’abstenir !

Et pour le plaisir, si vous parlez anglais, cette chaîne recense plein de légendes urbaines et autres histoires japonaises effrayantes traduites : Tara A.devlin/ kowabana podcast.

Vous voulez frissonner encore un peu ? Pourquoi ne pas jeter un œil à notre article sur les films d’horreur japonais ? Ou bien sur les légendes effrayantes du Mont Kôya ?


Images réalisées avec Midjourney

Isabelle VANSTEENKISTE

Isabelle est journaliste au Japon depuis plus de 5 ans. Directrice éditoriale de Lepetitjournal.com Tokyo, un média pour expatriés français, elle travaille également comme freelance pour divers médias et a publié un thriller se déroulant au Japon : Kuro Neko.

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